Qu’en est-il de l’éthique en entreprise ?

Ethique en entreprise
Partager sur linkedin
LinkedIn
Est-il encore possible de prendre des décisions éthiques en entreprise? Dans un contexte autoritaire, compétitif et stressant, chacun d'entre nous peut à tout moment souffrir d'aveuglement éthique et ne plus réaliser les conséquences de ses actes malgré ses meilleures intentions.

Le semestre passé, j’ai découvert ce que la notion d’éthique signifiait. Je n’avais jamais eu de cours sur le sujet, et pourtant la description du cours m’a tout de suite attirée. J’avais une vague notion de ce qu’était l’éthique et si on m’avait demandé de l’expliquer, j’aurais probablement répondu quelque chose comme : « eh bien, c’est le fait de faire quelque chose qui est considéré comme juste et bien. C’est l’inverse du mal, quoi ». Comme beaucoup, j’étais dans l’illusion de croire que seules les mauvaises personnes font des choses mauvaises, et surtout que moi, avec les valeurs fortes que je défends, je ne pourrais jamais me laisser aller à faire quelque chose qu’on considérerait de non éthique.

Or, je ne pouvais plus me tromper. Non seulement j’ai réalisé à quel point il pouvait être facile de faire quelque chose de non éthique, mais en plus, que je l’avais déjà fait moi-même, et ceci, malgré mes meilleures intentions. Autant vous dire que ça a été une sacrée remise à l’ordre. J’ai passé 3 mois à étudier le concept d’aveuglement éthique que je souhaiterais aujourd’hui partager avec vous, car je suis sûre que comme moi, et comme beaucoup jusqu’ici, vous avez été confrontés à une situation, où il vous a été difficile de décider, si ce que vous faisiez était bien ou mal, juste ou faux. Laissez-moi vous guider dans l’univers fascinant de l’aveuglement éthique, piège dans lequel, même les meilleures et les meilleurs d’entre nous, peuvent tomber.

Un dilemme comme point de départ

Tout commence par un dilemme, c’est-à-dire, une situation dans laquelle aucune des différentes options n’est totalement satisfaisante. Illustrons ceci par l’exemple suivant : 

Votre responsable vous demande d’ajouter une personne dans la liste des invitées et invités VIP, qui ont toutes et tous été sélectionné·es selon des critères bien définis. Comme il y a un nombre limité de places, cela implique de devoir retirer un autre invité. Vous comprenez rapidement qu’il s’agit en fait d’une connaissance personnelle de votre responsable et que cette personne ne répond absolument pas aux critères de sélection. Quid ?

Vous avez 2 options qui se présentent à vous : défier votre responsable et risquer de perdre votre job, ou ne rien dire et avoir le sentiment d’avoir mal agi. Est-ce qu’une réponse vous semble plus juste que l’autre ? Peut-être avez-vous répondu que l’action la plus juste est de défier votre responsable, soit. Ajoutons à cela que vous avez 2 enfants en bas âge et que votre partenaire ne travaille pas. Repondériez-vous toujours de la même façon ?

Ceci n’est qu’un exemple d’une multitude de choix auxquels nous sommes confrontés tous les jours dans le monde professionnel, mais aussi dans nos vies privées. Ces choix paraissent de prime abord, innocents et sans grand impact, pourtant, réfléchissez-y : on fait une fleur à tel, une exception pour telle, une petite entorse au règlement, de toute façon, personne n’en saura jamais rien…

Votre responsable peut vous encourager à agir contre vos valeurs : « allé, le règlement c’est fait pour être contourné ». A cela, vous pouvez vous dire que c’est lui ou elle qui décide, vous n’y pouvez rien, vous ne faites que de suivre les ordres. Vous rationalisez en disant que c’est « comme ça que ça marche » ou alors vous vous déchargez de toute responsabilité. Vous n’êtes que l’exécutant ou l’exécutante. On pourrait aussi parler de désengagement moral. Ce concept a été mis en lumière par Albert Bandura et explique que l’individu peut se convaincre par des mécanismes cognitifs que ce qu’il fait est juste.

Une définition de l’aveuglement éthique

Le concept d’aveuglement éthique, ou ethical blindness en anglais, a été décrit pour la première fois en 2012 par les professeurs Guido Palazzo, Franciska Krings et Ulrich Hoffrage de l’Université de Lausanne. Contrairement à la plupart des autres modèles de prise de décision éthique qui partent du principe que les acteurs sont capables d’évaluer la moralité de leurs choix de manière rationnelle, le concept d’aveuglement éthique repose sur l’idée qu’il est possible d’avoir un comportement contraire à l’éthique sans en avoir conscience. 3 aspects sont à prendre en considération :

  1. Les personnes dévient de leurs valeurs et principes
  2. Cet état d’aveuglement éthique est lié au contexte et est, de ce fait, temporaire
  3. L’aveuglement éthique est inconscient

En résumé, les personnes ne réalisent absolument pas que ce qu’elles font est moralement discutable, et sont aussi choquées que tout le monde après coup, lorsqu’elles prennent conscience de ce qu’elles ont fait. Mais comment en arrive-t-on à ce stade ?

L’importance du contexte sur notre vision du monde

En tant qu’humains, nous pouvons facilement avoir tendance à voir tout en noir et blanc en oubliant qu’il s’agit souvent d’une zone grise, tombant ainsi dans le piège de rapidement juger une personne sur ses actions sans chercher à comprendre le contexte dans lequel de telles décisions ont été prises. Nous avons tous notre propre façon d’interpréter la complexité de notre monde. Pour faciliter celle-ci, nous utilisons des cadres cognitifs. Le problème, c’est que ces cadres limitent notre perspective, focalisant parfois que sur certains éléments en omettant totalement d’autres paramètres. 

Si nous en revenons à notre exemple de tout à l’heure, je pourrais ajouter d’autres informations comme, par exemple : 

  • Votre responsable est une personne très autoritaire et vous n’osez pas riposter ; 
  • Vos collègues n’ont aucun problème à faire de disgression, c’est monnaie courante ;
  • Vous évoluez dans un milieu très compétitif, le moindre faux pas pourrait vous faire descendre dans l’estime de votre responsable pour ce poste que vous convoitez depuis des mois ;
  • Le secteur d’entreprise dans lequel vous êtes est connu pour fonctionner « comme ça », tout le monde le fait.

De manière consciente ou inconsciente, les entreprises mettent en place des procédures ou des routines qui, au fil du temps, limitent notre vision du monde. Certains comportements sont valorisés, d’autres non. On comprend rapidement ce qui est socialement accepté et ce qui ne l’est pas. Cela commence par des petites choses, parfois très subtiles, qui petit à petit, se transforment en de plus grandes transgressions, sans que nous en ayons toujours conscience. Nous acceptons une première fois d’aller contre nos valeurs et c’est difficile, mais la fois suivante, cela ne parait plus aussi dur. On s’habitude, chaque pas nous éloignant un peu plus de nos propres valeurs.

Peut-on s’en sortir ?

Rassurez-vous, il est possible de s’en sortir ! Mais pour cela, il est essentiel de sensibiliser le plus de monde possible autour de nous et dans les entreprises. Parfois cela demande du courage d’oser s’affirmer, mais si on ne dit rien, les choses ne changeront jamais. Alors, plus nous sommes nombreux à prendre la parole, plus nous auront d’impact. 

Je vous invite également à suivre le cours « La prise de décisions contraire à l’éthique dans les organisations » qui est accessible gratuitement sur Coursera.org. Vous y trouverez des vidéos explicatives décortiquant chaque élément du concept ainsi que des analyses de scandales d’entreprise qui ont réellement eu lieu, afin de faciliter la mise en pratique.

Références

Palazzo, G., Krings, F., & Hoffrage, U. (2012). Ethical blindness. Journal of Business Ethics, 109, 323–338.

Cours gratuit sur Coursera.org – Palazzo, G., Hoffrage, U. La prise de décisions contraire à l’éthique dans les organisations, https://fr.coursera.org/learn/unethical-decision-making#enroll

Vous avez apprécié cet article et vous voulez aller plus loin ?

Découvrez nos programmes et services et contactez-nous pour une offre personnalisée.